La comparaison des bilans énergétiques « essence » et « électricité » me paraît centrale pour que le propriétaire d’une hybride rechargeable se serve au mieux des capacités de son véhicule. Dans ce deuxième post consacré à la consommation des deux motorisations, on entre dans le vif du sujet. Le but étant d’exposer des principes et de donner des ordres de grandeur plutôt que de faire des calculs précis, on utilise des valeurs arrondies.

L’efficacité dérisoire de la motorisation thermique

Dans le post précédent, nous avons vu que 12 L d’essence peuvent libérer environ 120 kWh d’énergie au travers d’une combustion optimale. Malheureusement, seule une petite partie de cette énergie sera réellement utile au mouvement de la voiture. Il y a deux raisons à cela.

La première, c’est que plus de 60% de l’énergie sera convertie en chaleur et perdue dans l’atmosphère (même si on peut en récupérer un peu, par exemple pour chauffer l’habitacle). C’est une réalité physique contre laquelle il est vain de lutter (pour ceux que ça intéresse, la thermodynamique et le cycle de Carnot notamment sont à la base de ces affirmations). Dans la pratique, c’est au moins 65% qui part en chaleur dans un moteur à essence, et encore, si les conditions optimales d’utilisation du moteur sont réunies, ce qui est rarement le cas (température, vitesse de rotation, variations de vitesse…). Le rendement réel est donc inférieur, si bien que l’on n’obtient que 25% d’énergie mécanique, dans des conditions correctes (et encore moins sinon).

La deuxième raison, c’est que l’énergie mécanique délivrée par le moteur doit encore vaincre les pertes de la chaine cinématique (frottements dans la boite de vitesses, le différentiel, les essieux, les roulements…) avant de fournir ce qui reste aux roues. On peut estimer ces pertes à environ 40%, c’est à dire que 60% de l’énergie mécanique délivrée par le moteur (qui n’est elle-même que 25% environ de l’énergie du carburant) sert réellement au mouvement du véhicule. Ceci n’est absolument pas spécifique à la BMW 225xe; c’est une réalité partagée par tous les moteurs thermiques, à quelques pour cents près, tout en sachant que les moteurs diesel ont un rendement un peu meilleur (disons 30% effectifs au lieu de 25%, et bien entendu dans les conditions optimales d’utilisation seulement). Signalons tout de même l’existence de cas extrêmes de sobriété, j’y reviendrai un jour. Disons simplement pour l’instant qu’ils n’échappent pas au cycle de Carnot, mais qu’ils réduisent la masse et les frottements au minimum.

Ainsi, des 120 kWh d’essence consommés pour effectuer 100 km dans les conditions de mon essai, seuls 120 x 25% x 60%, soit environ 18 kWh, sont transmis aux roues. Dit autrement, 15% à peine de l’énergie de combustion de l’essence sert à propulser le véhicule. Le reste est perdu en chaleur, par combustion ou par frottements ce qui fait qu’un moteur thermique, même moderne et sophistiqué, est plus efficace comme chauffage que pour le déplacement. Pensez-y quand vous ferez le plein: 85% du montant part dans l’atmosphère… Si vous n’aviez pas cet ordre de grandeur en tête, ça doit être un choc!

L’efficacité relative de la motorisation électrique

Voyons à présent le cas du moteur électrique. D’une façon générale, les moteurs électriques ont un rendement bien plus élevé que les moteurs thermiques, supérieur à 80%. La BMW 225xe est équipée d’un moteur synchrone à aimants permanents. Ces moteurs ont un rendement encore plus élevé, de l’ordre de 90 à 95%. C’est un niveau d’efficacité remarquable, qui constitue un des attraits de la motorisation électrique.

De plus, la conception de la 225xe permet de transmettre assez directement l’énergie du moteur aux roues arrières, indépendamment des éléments mécaniques de la transmission du moteur thermique. Je ne dispose pas des chiffres réels (si un ingénieur BMW lit ces lignes, j’apprécierais de les connaître), mais je suppose que les pertes mécaniques sont plus faibles sur le train arrière (celui qui est animé par le moteur électrique) que sur le train avant (celui qui est relié au moteur thermique. Disons que cette architecture « découplée » permet de transmettre 70% (on avait supposé 60% pour la transmission avant) des 95% issus de la motorisation électrique. On obtient alors une efficacité de 70% x 90% soit 67% pour la motorisation électrique de la 225xe. Appliquée aux 24 kWh de consommation observés, on calcule donc que 16 kWh d’énergie mécanique parvient aux roues arrières.

Quelques lignes pour relever au passage un avantage que le constructeur ne met pas forcément en avant dans ses argumentes de vente. Le découplage mécanique des deux motorisations apporte un gain d’efficacité que l’on ne retrouve pas sur les véhicules hybrides dont les motorisations sont couplées mécaniquement. C’est une des raisons qui explique que la plupart des hybrides rechargeables annoncent des puissances combinées inférieures à la somme des puissances des moteurs thermique et électrique, alors que BMW annonce ici 224 cv, soit exactement la somme de la puissance du moteur thermique (136 cv) et électrique (65 kW, soit 88 cv). Cette architecture permet donc de mieux profiter des avantages de la motorisation électrique. D’un point de vue énergétique, cela signifie que l’on peut se contenter d’un moteur électrique moins puissant, donc moins lourd, nécessitant moins de matériaux pour le produire. Nous reviendrons sur ces aspects dans d’autres posts; restons dans celui-ci sur la consommation du véhicule tel qu’il existe.

Energie utile

L’énergie « utile » est celle qui remplit directement la fonction demandée, dans notre cas « faire avancer le véhicule ». Le reste, inutile, est appelé « pertes ». L’enjeu de l’optimisation énergétique est d’abord de réduire l’énergie utile nécessaire à une fonction donnée, puis de fournir cette énergie utile réduite par un processus qui limite les pertes à un niveau acceptable. Je ne dis pas « qui minimise les pertes », car il s’agit toujours d’un optimum. On doit faire des choix entre la réduction des pertes, la faisabilité technique, l’utilisation pratique du véhicule, son coût économique, environnemental et social. Quand tout cela est établi, on peut calculer l’efficacité énergétique de la solution retenue comme le rapport de l’énergie utile à l’énergie consommée.

L’énergie utile pour déplacer un véhicule donné dans les mêmes conditions est rigoureusement la même quelle que soit la forme de motorisation. D’ailleurs, on constate que nos calculs donnent effectivement des valeurs sensiblement égales de l’énergie transmise aux roues que ce soit en motorisation thermique (18 kWh) ou électrique (16 kWh). C’est une indication que nos approximations et nos hypothèses ne sont pas totalement tordues. En effet, cette énergie va être dissipée (ça signifie transformée en chaleur!) pour vaincre la résistance de frottement des roues (les mêmes dans les deux cas, puisqu’il s’agit de la même voiture dans les mêmes conditions), la résistance aérodynamique de l’air (idem) et pour élever la voiture et ses passagers dans le champ de gravité terrestre puisque nous sommes en montée (cette énergie là pourra être récupérée à la descente). Tout cela pour garder le véhicule à vitesse constante, c’est à dire pour préserver son énergie cinétique.

Après ces explications, on est bien obligé de faire une petite remarque sur la terminologie. C’est quand même curieux de parler d’énergie utile, alors que là aussi il s’agit de vaincre des frottements qui dérivent en partie de choix technologiques: la résistance au roulement des roues qui frottent plus ou moins sur le revêtement de l’autoroute suivant leur conception et la pression des pneus, la résistance de l’air qui dépend de la taille et de la forme du véhicule. J’aimerais mieux parler d’énergie « nécessaire ». Mais je me plie bien entendu à l’usage.

Round 1: avantage à l’électrique

Pour résumer, on constate que les consommations relevées en modes thermique et électrique sont tout à fait cohérentes: qu’il s’agisse de 12 L d’essence aux 100 km, ou de 24 kWh d’électricité aux 100 km, nous avons vu que cela résulte finalement dans chacun des cas en 17 kWh aux roues de façon à maintenir la BMW 225xe à 110 km/h en montée. Dans le cas du moteur thermique, cela représente 15% à peine de l’énergie thermique de l’essence utilisée, tandis que  la motorisation électrique transmet aux roues environ 67% de l’énergie électrique qui l’a alimenté.

D’un point de vue énergétique, la motorisation électrique est donc 4 fois plus efficace que la motorisation thermique. Alors qu’un kWh d’essence (il faut s’habituer, c’est juste un équivalent énergétique) permet de parcourir une distance donnée, la même quantité d’énergie, électrique cette fois, permet de parcourir une distance quatre fois plus grande. La différence est considérable et donne l’avantage net à l’électrique.

Peut-on dire pour autant que les véhicules électriques sont énergiquement plus avantageux que les véhicules thermiques? Voyons cela dans le round suivant.