En comparant les motorisations thermique et électrique de la BMW 225xe, nous avons vu que le système électrique est plus de quatre fois plus efficace que le système thermique si l’on considère l’essence et l’électricité consommés à bord du véhicule pour fournir le même service de déplacement du véhicule.
Mais pour être complet, il faut sortir de notre voiture et s’intéresser à la production d’énergie qui a permis de l’alimenter. Et là, on se fait à nouveau rattraper par les réalités physiques auxquelles on n’échappe décidément pas.
La production d’énergie finale
L’énergie finale, c’est l’énergie livrée au consommateur: un litre d’essence à la station service ou 1 kWh d’électricité à la prise domestique par exemple. Quand on paie 1 litre d’essence à la pompe, on obtient généralement un litre d’essence dans son reservoir, à moins d’être très maladroit ou de laisser l’évaporation nous subtiliser un peu trop de vapeurs d’essence.
Ce n’est pas tout à fait pareil pour l’électricité. En effet, la batterie absorbe l’énergie électrique de la prise secteur (ou d’une box dédiée), puis la stocke plus ou moins longtemps, avant de la restituer au moteur électrique. A chaque étapes, il se produit des réactions chimiques dans la batterie, avec des pertes bien entendu. Disons qu’elles sont de l’ordre de 10 à 20%. Pour obtenir 1 kWh à l’entrée du moteur électrique à partir d’une batterie chargée sur secteur, il faut donc 1 kWh / (1 – 15%) = 1.17 kWh, c’est à dire que l’on est facturé au compteur électrique domestique 17% de plus que ce que la consommation indique à bord du véhicule. Le bilan électrique commence donc à se dégrader puisque pour alimenter le moteur de 24 kWh (la quantité d’énergie qui a servi de référence dans le post précédent) il faudrait payer 28 kWh (24/(1-15%)) d’énergie électrique (je vous rappelle que j’arrondis pour faciliter la lecture et la mémorisation des ordres de grandeur). Donc 28 kWh à la prise domestique permettent d’obtenir les 17 kWh nécessaires aux roues. 17/28 = 60% d’efficacité. Ça commence à faire mal, et ce n’est pas fini…
Pour que l’électricité arrive à la maison, il a fallu la transporter, souvent sur de longues distances. Ce réseau de transport subit lui aussi des pertes, de l’ordre de 10% le long des lignes et dans les différents transformateurs. Il a bien entendu fallu produire cette électricité. En France, il s’agit en majorité de centrales nucléaires, même si la part des renouvelables augmente petit à petit. Prenons le cas majoritaire de la centrale nucléaire. Celle-ci opère aussi sur des cycles thermodynamiques dont le rendement est limité, et faible comme on l’a vu dans le post précédent pour le moteur thermique. On parle d’une rendement de 27% pour les centrales nucléaires, un peu plus pour les centrales à charbon. Combiné aux pertes, on voit que pour fournir les 28 kWh dont je souhaiterais disposer à ma prise, il faudra alimenter la centrale nucléaire de 28 / (27% x 90%), soit 115 kWh d’énergie.
Il ne vous aura pas échappé qu’il s’agit en gros de la même quantité d’énergie que les 12 L d’essence (120 kWh). Dans un cas, on procède à la combustion de l’essence à bord du véhicule, dans le moteur thermique, et on y subit les pertes sur place; dans l’autre, on centralise cette « combustion » (je simplifie, puisqu’il est de réactions nucléaires) dans une centrale, qui subit elle le gros des pertes de la chaine électrique.
Et ce n’est pas tout!
Pour alimenter la centrale nucléaire, il a fallu extraire de l’uranium, le transporter, le traiter pour le rendre apte à l’utilisation par une centrale; puis il faudra gérer les déchets. C’est pareil le long de la chaine pétrolière: pour obtenir 1 L d’essence à la pompe, il a bien fallu cibler les gisements, forer des puits, construire des usines de traitement, acheminer la production et raffiner le pétrole brut avant de distribuer l’essence à la station service où j’ai pu faire le plein.
Toutes ces opérations ont un coût énergétique que l’on doit prendre en compte dans un bilan global. Il s’agit bien entendu des dépenses énergétiques directes (alimenter les machines utilisées dans ces processus) mais aussi indirectes: on inclura par exemple l’énergie nécessaire à la fabrication des machines elles-mêmes. Les analyses de cycle de vie devient vite complexes et peuvent être un peu déroutantes pour les personnes qui n’y sont pas habituées: ainsi on évaluera aussi le coût énergétique des études de prospection et d’exploitation: elles ont été conduites dans des bureaux, qu’il faut alimenter, qu’il a fallu construire, auxquels il faut accéder tous les jours depuis son logement, qui lui aussi à une empreinte énergétique… Une part du coût énergétique de ces infrastructures et de ces activités sera allouée à la production d’énergie pour alimenter notre 225xe.
Heureusement, les techniques d’évaluation se sont développées et on arrive aujourd’hui à cerner l’empreinte énergétique d’un produit ou d’une activité de façon assez fiable en appliquant des méthodes bien structurées. Mais ça demande un effort certain. Une fois tous les éléments intégrés, on obtient un bilan en terme d’énergie primaire, c’est à dire l’énergie naturellement fournie par la nature: du pétrole brut enfoui sou terre, des minerais d’uranium, du charbon, du soleil…
Bilan
On retiendra en première approximation que le coût énergétique des deux motorisations est du même ordre de grandeur en termes d’énergie primaire. La motorisation électrique perd donc l’avantage du premier round, lorsque nous avions pris la perspective de l’énergie embraquée.
Par contre, le bilan en terme d’émissions de gaz à effet de serre est à l’avantage de la motorisation électrique, tout simplement parce que 75% environ de l’électricité française est produite à partir de centrale nucléaire dont les émissions sont faibles. Mais la France est une exception dans ce domaine, et la conclusion ne serait pas la même si l’on charge la batterie dans un pays qui produit son électricité majoritairement au moyen de centrales à charbon par exemple, comme c’est souvent le cas.
Dans tous les cas, et notamment dans les villes, on appréciera tout de même la possibilité de rouler sans émissions locales, avec une pollution sonore limitée. Mais on n’oubliera pas de se poser des questions sur l’origine de l’énergie utilisée.
C’est pour ces raisons qu’il n’y a pas de solution miracle et que les avis divergent sur le bien-fondé des motorisations hybrides ou électriques par rapport aux moteurs thermiques. Il suffit de bien comprendre les arguments et de faire des choix raisonnés par rapport à ses besoins en assumant les conséquences.
Conclusion
Nous avons vu dans ces trois articles consacrés à l’énergie utilisée par la 225xe que les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’on pourrait le penser. Si l’on accepte l’état actuel des réseaux de production et de distribution de l’énergie, on reconnaitra tout de même que la motorisation hybride présente aujourd’hui de nombreux avantages sans fournir une solution durable au problème de l’énergie pour la mobilité.
Si l’on s’écarte un peu de notre sujet, c’est à dire la BMW 225xe, on pourrait envisager des opportunités de progression qui pourraient s’articuler autour de trois pôles principaux:
1. Se déplacer moins, et produire moins de véhicules (ça concerne toutes les motorisations bien entendu)
2. Utiliser des moyens de transport plus efficients, notamment en diminuant le poids et la vitesse maximale des véhicules
3. Alimenter les véhicules électriques à partir d’énergie renouvelable
On peut déjà s’y mettre!