Les Apps BMW se succèdent et se multiplient. On pourrait s’y méprendre tant les apparences sont flatteuses, mais à bien y regarder, l’offre manque cruellement d’intégration et de fonctionnalités pour les hybrides rechargeables. Cela ternit selon moi l’image du constructeur dans ce segment, malgré la très large gamme de véhicules qu’il y propose. Copie à revoir d’urgence, d’autant que le potentiel est remarquable!

[English Summary] I am generally pretty upbeat and positive about BMW and the 225xe, but in spite of the good looks and useful standard functionality, BMW Apps are just not up to standard when it comes to PHEV applications. We need an integrated bundle of Apps that are useful, complete, well-designed and that convey the values of technology and innovation carried by the manufacturer. Somewhat disappointing as it stands and in need of an urgent rethink around the user experience – from scratch!

L’option Connected Drive ouvre la porte à la commande à distance du véhicule. Je précise d’emblée que si je m’intéresse à ces développements en tant qu’ingénieur, je n’y suis favorable que s’ils sont guidés et limités par une bonne dose de bon sens. On sait où conduit une « science sans conscience ». Mais dans certaines conditions, pour faciliter le quotidien et faciliter la mobilité, pourquoi pas?

Admettons donc pour cet article que les fonctionnalités générales des Apps actuelles de BMW sont acceptables et qu’elles n’entravent 1/ ni nos libertés, 2/ ni notre qualité de vie. Ces hypothèses sont plutôt valables aujourd’hui, même si les données transitent déjà par des serveurs hors de notre contrôle et seraient donc exploitables à d’autres fins que d’assurer la qualité de notre mobilité. Ceci étant précisé, concentrons-nous sur les fonctionnalités. Je commence par un inventaire commenté des Apps disponibles pour poursuivre avec ce que je souhaiterais voir apparaître.

Les logiciels et leur mise en œuvre

Site Connected Drive

C’est un service qui propose d’accéder à des données du véhicule au moyen d’une interface web. Pour l’utiliser, il faut créer un compte en ligne. La page d’accueil vous permet alors d’accéder notamment à la page « Remote Cockpit », et il y a bien entendu une page de vente (« Store ») sur laquelle vous pouvez visualiser les services disponibles et achetez ceux que vous souhaiteriez ajouter.

Remote Cockpit est la page dont je me suis le plus servi sur ConnectedDrive, surtout avant d’utiliser l’App éponyme pour smartphone (voir plus bas). Les « Stats de voyage » qui y sont affichées ne sont pas forcément les mêmes que sur votre ordinateur de voyage. En effet, un « voyage » pour ConnectedDrive semble commencer quand on met le contact et s’arrêter quand on le coupe; il y a tout de même un filtre qui fait que si vous déplacez la voiture sur une courte distance (je ne connais pas la limite, j’ai remarqué cela sur une dizaine de mètres), les données affichées restent celles du dernier « long » voyage. Sur l’ordinateur de bord par contre, il y a un délai de quatre heures après un arrêt durant lequel le véhicule considère qu’il s’agit toujours du même voyage: ça vous permet de faire une pause dans un bon restaurant ou de faire une sieste loin du trafic sans que les compteurs ne se remettent à zéro.

Remote Cockpit

On trouve notamment sur la page « Store » le lien « Mise à jour de la carte » qui vous donnera accès au téléchargement de l’App « BMW Download Manager » (déjà une de plus), qui permettra à son tour de mettre à jour les cartes de votre GPS embarqué par clé USB, si vous disposez de ce service payant. Notez que vous pouvez également opter pour la mise à jour automatique, mais alors seulement pour le pays auquel est rattaché votre véhicule. On comprend cette limite quand on sait que la totalité des cartes pèse près de 16 GB est version compressée, 22 GB en décompressé.

App Connected Drive

Le principe est le même que le site, mais pendant plusieurs mois jusqu’à début 2017 les deux n’affichaient pas les mêmes paramètres. Il fallait par exemple aller sur le site pour lire l’autonomie calculée et sur l’App pour voir le pourcentage de charge. Pour les curieux qui voulaient comparer les deux grandeurs en cours de charge, ça faisait des allers-retours entre le site et l’App. Aujourd’hui, l’App affiche les deux mesures comme le montre l’illustration qui suit.

Application BMW Connected

Mais toujours pas de courbe de charge ni de courbes de consommation ou de comportement: seules les valeurs moyennes ou cumulées sont affichées. C’est un point faible qu’il faut corriger! Je serais prêt à télécharger ces profils de charge et de conduite par clé USB directement sur le véhicule s’il fallait, mais je voudrais vraiment accéder à ces informations, de temps en temps, ne serait-ce que pour le suivi du véhicule et pour améliorer mon style de conduite. J’admets que de nombreux conducteurs ne les utiliseront jamais, mais je pense que la proportion des intéressés sera plus forte chez les propriétaires d’hybrides que chez les propriétaires de BMW non électrifiées.

Serveur web de la WallBox Plus

Il a le (grand) mérite d’exister. Intégré à la WallBox Plus, il suffit de s’y connecter avec un câble réseau (Ethernet) pour y accéder. Cette connexion est au bénéfice du propriétaire de la borne, elle n’est pas destinée à ses différents utilisateurs. En pratique, le câble réseau se branche à votre réseau local, par exemple au travers d’un switch. Plutôt que de dédier une prise RJ-45 classique à cette connexion, BMW a choisi un câblage permanent. Il y a bien une prise RJ-45 femelle dans la WallBox Plus, mais elle serait réservée à des contrôles par un technicien qui viendrait directement s’y connecter avec son ordinateur portable après avoir déposé le capot (la documentation est très discrète). J’ai essayé les deux: mêmes résultats, apparemment.

L’adressage sur le réseau peut se faire en statique ou en dynamique. J’ai choisi l’adressage dynamique (DHCP, géré par mon routeur). Une fois attribuée l’adresse IP, on accède à l’unique page du serveur à partir de son navigateur. Celle-ci se divise en deux parties: « Status » et « Energy Monitor »:

Page web du serveur de la WallBox Plus

Intéressant la première fois, c’est franchement maigre à la longue et pas vraiment convivial. Mais c’est utile, surtout au début pour s’assurer du bon fonctionnement de l’installation; j’y accède encore pour des vérifications occasionnelles. A noter l’existence d’une seconde page (Log), qui enregistre les commandes reçues et les actions effectuées par la WallBox; l’exploitation de ces information est réservée aux spécialistes.

Ici encore, il manque les courbes de charge, un accès aux charges historiques, le stockage de l’état de charge de la batterie – au moins au début de la charge (l’état de charge est affiché en temps réel; on voit donc l’état de charge final qui reste affiché en fin de charge). Il faudrait bidouiller pour extraire les valeurs et créer sa propre base de données. C’est quand même frustrant de devoir envisager cela avec de l’équipement BMW!

BMW iV

J’ai découvert cette App par hasard sur le site de documentation des WallBox. Pour l’utiliser après l’avoir téléchargée sur votre smartphone, il faut qu’elle soit reliée à une WallBox, ce qui se fait automatiquement une fois la WallBox d’une part et le smartphone d’autre part connectés au réseau local (câble Ethernet pour la première, WiFi pour le second). Ça y est, l’App « parle » à la WallBox! Quelle déception: c’est deux-là n’ont pas grand chose à se dire! L’App affiche tout juste l’énergie cumulée lors de la charge en cours (ou à la fin de la dernière charge) ainsi que le courant max utilisé pour la charge (en l’occurrence, 16 A, limité par le chargeur embarqué du véhicule). Mais c’est esthétique…

Application BMW iV

Attention à ne pas oublier de configurer la WallBox pour permettre ce dialogue: ce n’est pas évident dans la documentation la première fois, mais il faut activer le DipSwitch 1.3, sans quoi l’App n’aura pas accès à la borne.

L’utilisateur peut tout de même programmer une heure de démarrage de la charge, arrêter ou démarrer une charge instantanément, et réduire l’ampérage en deçà de l’intensité maximale acceptée par le véhicule.

Un menu « info » affiche le nom de la WallBox (que l’on peut modifier), son adresse IP sur le réseau local, l’ampérage maximal, le numéro de série et la version du firmware.

Un point de vue

Joyeux bazar

En passant en revue les App liées à la 225xe, on a l’impression que plusieurs start-ups concurrentes sans compétence particulière en matière de mobilité hybride font des essais « pour voir ». Mais quoi? Et pourquoi? Franchement, c’est un joyeux bazar qui se déploie sur nos smartphones. Fin 2016, Connected est venu discrètement remplacer Remote, en perdant des fonctionnalités. iV est d’une telle simplicité qu’elle n’apporte rien, vraiment rien. Le serveur web de la WallBox Plus a le mérite d’exister, mais on n’accède même pas à une courbe de charge et pas moyen de sauvegarder l’historique. Quant à la communication de BMW sur ces sujets, elle est sobre dans le meilleur des cas, inexistante en pratique. C’est triste: le potentiel est là, les véhicules et leurs conducteurs pourraient l’exploiter, mais ça patauge! On dirait que BMW prépare quelque chose sans que l’on puisse vraiment dire quoi.

Je trouve que ces Apps ne sont pas à la hauteur, qu’elles ne permettent pas d’exploiter au mieux nos véhicules et qu’elles dévalorisent l’image technologique de BMW. Mais comme elles fonctionnent, qu’elles fournissent quelques informations et fonctionnalités appréciées, et qu’elles sont esthétiquement plutôt réussies, il y a peu de plaintes et de demandes d’améliorations. Comme BMW communique peu sur les capacités sous-jacente, la demande stagne et passe à côté des possibilités existantes. Les quelques professionnels auxquels j’ai pu parler m’ont dit que les clients pour lesquels ils ont installé une WallBox Plus n’ont demandé aucune connexion optionnelle: juste la charge.

Incohérences d’un compromis excessif

L’aspect visuel des Apps est soigné: on ne peut pas dire que BMW n’a pas fait l’effort de produire quelque chose d’esthétiquement correct. Mais où sont donc passés les ingénieurs et les passionnés de performance pour laisser sortir des Apps aussi peu utiles? Pourquoi avoir forcé l’intégration des véhicules hybrides sur les Apps générales en leur interdisant l’accès aux App « i »? Voilà un domaine qui montre a nouveau les incohérences des choix de marketing du Groupe BMW: il est clair que nos hybrides rechargeables seraient mieux servies par des Apps qui incluent des fonctionnalités pensées pour les véhicules électriques, plutôt que de leur imposer des Apps initialement conçues pour des véhicules à motorisation exclusivement thermique.

i et les hybrides devraient s’inspirer des développements sous la marque M, où des Apps dédiées fournissent les infos qui intéressent vraiment les passionnés de mécanique et de puissance; il y a même la possibilité de connecter certaines de ces Apps à des paramètres avancés au moyen d’un dongle (c’est une approche que j’avais reprise dans l’article du 1er avril!). Pourquoi ne pas en faire de même pour les hybrides? Un dongle optionnel avec un stockage de données ferait l’affaire, sans perturber les conducteurs qui n’ont que faire de ces informations.

BMW a choisi de faire passer ses hybrides rechargeables pour une simple variation au sein des gammes existantes. Ce choix stratégique n’affecte pas seulement les Apps, mais de nombreux autres aspects des véhicules hybrides, leur tableau de bord notamment. C’était sans doute très astucieux pour tester et lancer l’hybridation, mais est-ce que cette stratégie reste justifiée alors que certains modèles rencontrent déjà un franc succès précisément parce qu’ils sont hybrides?

Rapprochement de la marque i

La gamme de véhicules hybrides rechargeables de BMW atteint aujourd’hui six séries (2, 3, 5, 7, x5, i8), ce qui représente huit véhicules si l’on compte les variations au sein de la série 7. C’est énorme. N’est-il pas temps d’oser la distinction? Je continue de penser qu’un rapprochement de la marque i serait bénéfique aux hybrides, non seulement pour les Apps mais à terme pour la conception générale des véhicules, leur optimisation et même leur vente et leur maintenance. Je dis bien « rapprochement », car je comprends la spécificité de la marque « i » et l’intérêt de ne pas lui faire absorber les véhicules hybrides. Il faut parfois savoir faire passer la chèvre et le chou, surtout dans ce cas où les synergies des unes sont aussi claires que les limites de comptabilités des autres.

A ce propos, on doit tout de même citer le cas particulier de l’i8, dont la motorisation a servi à développer celle de la 225xe. Voici donc un véhicule dont l’architecture est très proche de celle de la 225xe, qui bénéficie d’un label i (et des Apps associées), alors que la 225xe en est exclue. Je n’ai pas eu l’occasion de tester une i8 et de voir si les Apps sont plus efficaces, il va falloir explorer cette piste.

Des priorités pour les Apps

A court terme (fin 2017), j’envisagerais trois priorités pour dynamiser le segment des hybrides rechargeables BMW en améliorant l’expérience de conduite d’une part et en satisfaisant l’intérêt particuliers des acheteurs actuels de ce type de véhicules d’autre part.

La première priorité est de simplifier l’offre: un site web, une App qui fonctionnent de façon semblable, affichent les mêmes données et sont parfaitement synchronisés (le site web pour ceux qui n’utilisent pas de smartphone). Cette simplification demande aussi une intégration, qui consisterait par exemple à inclure un onglet pour le suivi d’une borne WallBox Plus connectée.

La seconde est de proposer des visualisations qui permettent d’améliorer l’efficience du conducteur dans son utilisation du véhicule. Le concept est déjà en place, mais on vient vite à bout des conseils de base qui sont dispensés par l’actuel module d’évaluation d’efficience, dont les analyses doivent aujourd’hui être améliorées. A court terme, cela passe par l’enregistrement des données en cours de voyage, à un taux d’échantillonnage élevé qui  permette d’exploiter les capteurs existants (consommation, récupération, vitesse, accélération…). L’affichage de courbe, de moyennes et de tendances en cours de voyage pourrait apporter beaucoup si c’est fait simplement et clairement.

La troisième est de développer des modules d’analyse plus avancés pour mieux conseiller le conducteur désireux d’améliorer son efficience; alors que les conseils actuels sont statiques (toujours les mêmes parmi une petite liste, choisis en fonction des circonstances). L’ajout de certains capteurs devrait largement améliorer la mouture actuelle; je pense notamment à un inclinomètre, qui permettrait de prendre la pente en compte dans les calculs normalisés de dépense énergétique. C’est aussi une piste pour améliorer le calcul de l’autonomie, électrique notamment. Enfin, l’idée de BMW de coupler la gestion Auto eDrive au GPS est excellente: il faut poursuivre le développement de ce dispositif et inciter le conducteur à l’utiliser. Un module d’analyse pourrait comparer quantitativement la consommation dans le cas optimisé à celle qui a été mesurée.

Dans tous les cas, je pense que BMW devrait se résoudre à proposer un mode expert qui donnerait accès aux applications, visualisations et analyses avancées, sans pour autant éliminer les indicateurs simples mais clairs qui conviendront à beaucoup.

Evolutions à moyen terme

Il faudra repenser les Apps avec l’évolution des technologies embarquées, des smartphones et des possibilités de transmission et de stockage de données; c’est une évidence, mais ça veut bien dire que l’architecture des logiciels développés par BMW doit être fluide, adaptable à un rythme bien plus rapide que celui des modèles de véhicules. Sans spéculer sur les progrès du secteur informatique, on peut dire que cela demanderait des mises à jours logicielles plus fréquentes, y compris à bord. Voici quelques orientations pour 2018.

Il faut approcher ces Apps comme la vitrine technologique des capacités d’hybridation de BMW. Qu’elles profitent des avancées réalisées au bénéfices des véhicules thermiques du constructeur, c’est très bien et il ne faut pas perdre ce lien. Mais il faudra oser un peu de différenciation et créer des menus et des rendus visuels qui se démarquent. Quitte à faire coexister les deux mondes – thermiques et électriques – au sein de l’App, sans négliger leur intégration. Les trois priorités citées plus haut peuvent être appliquées pour conduire à des fonctions plus puissantes qui augmenteraient encore l’attrait des hybrides et leur performance. Ça, c’est surement intéressant pour le constructeur non?

Le lien avec les informations fournies à bord peut être renforcé. Le tableau de bord doit évoluer rapidement; j’inclus bien entendu l’affichage central dans cette remarque. Espérons que la 225xe (légèrement) re-stylée qui doit sortir prochainement en bénéficiera en partie.

Conclusion

J’ai du mal à accepter le constat, mais on n’y échappe pas même si la réussite esthétique pourrait nous en faire douter: les Apps pour véhicules hybrides BMW ne sont pas à la hauteur. Il est grand temps que des Apps vraiment utiles, fonctionnelles et bien conçues viennent compléter notre expérience d’utilisateurs d’hybrides. Si ce n’est pas dans la stratégie générale, alors au moins proposez à vos clients les plus intéressés, à l’image de M, un dongle qui ouvrira enfin les portes de l’optimisation. Quelle que soit l’approche retenue, il serait dommage de passer à côté de développements qui pourraient avoir un impact positif sur les ventes, le développement des hybrides rechargeables et leurs performances.